Sous-traitance EA & ESAT

1. Quelle est l’image des EA/ESAT ?

1.1. Une offre de sous-traitance limitée

Si on demande à une personne de nous dire ce que font les EA et ESAT, il y a fort à parier qu'elle réponde :

- l'entretien des espaces verts,

- le cartonnage

- la mise sous pli

- la blanchisserie

Elle n’aura pas tort mais les EA et ESAT font beaucoup d’autres choses comme on le verra plus loin.

Le premier frein à la sous-traitance avec les EA/ESAT est de croire que leur offre de services est limitée.

1.2. Qualité, coûts, délais

Confier une partie de son travail à une EA ou un ESAT peut faire peur. Un dirigeant d’entreprise pourrait facilement dire : « Comment ! Sous-traiter mon activité à des personnes handicapées ! mais les délais ne seront pas tenus ! La qualité ne sera pas au rendez-vous ! Que vont dire mes clients ? »

Il est sûr que l’on peut trouver des expériences où des EA ou ESAT n’ont pas été fiables sur la qualité, les délais ou la quantité. Mais notre propos est de mettre en valeur une approche pragmatique, loin de toute généralisation.

Les Français, connus et reconnus pour leur cartésianisme ("l'idée et la réflexion priment sur les faits et la réalité"), ont une fâcheuse tendance à raisonner par exclusive.

Pour bien aborder la suite, il va falloir effectuer un changement de conjonction de coordination :

1.3. Les marchés publics

Les établissements publics étant également soumis à l’obligation d’emploi, ceux-ci peuvent répondre en partie à cette obligation par la sous-traitance avec les EA/ESAT. Pour faciliter cette démarche, l’article 15 du Code des Marchés Publics autorise l’acheteur public à réserver des lots ou marchés à EA/ESAT : c’est une piste à creuser !

2. De l’EA/ESAT vers une organisation ordinaire

La loi prévoit plusieurs dispositifs pour encourager le passage d’un TH d’une EA vers une organisation du milieu ordinaire.

2.1. Priorité d’embauche

Si un TH d’une EA a démissionné pour rejoindre une organisation du milieu ordinaire, il bénéficie d’une priorité d’embauche s’il veut revenir dans l’EA. Cet avantage est possible durant une année à compter de la date de la rupture de son contrat. Dans ce cas, l’EA doit l'avertir de tout poste vacant compatible avec ses compétences.

2.2. Mises à disposition

Les TH travaillant dans une EA ont la possibilité d’être mis à la disposition d’un autre employeur. Cette éventualité n’est réalisable qu’uniquement en vue d’une embauche éventuelle et avec l’accord du TH.

Cette mise à disposition doit respecter les règles suivantes :

  • L’EA doit signer deux contrats : l’un avec l’organisation ordinaire et l’autre avec le TH.

  • Ces contrats doivent préciser les conditions de la mise à disposition d’une durée maximale d’un an renouvelable une fois. Ils doivent recevoir le visa de l’inspecteur du travail.

Le contrat entre l’EA et l’organisation ordinaire doit déterminer :

  • le nombre de TH concernés, les qualifications professionnelles requises, le lieu, les horaires et les caractéristiques des travaux à produire,

  • la nature des travaux incompatibles avec certains handicaps,

  • les modes de rétribution des travaux

  • les conditions d’une offre d’embauche

Le contrat entre l’EA et le TH doit déterminer :

  • la qualification professionnelle du TH

  • la nature, le lieu, les horaires et les caractéristiques des travaux à produire,…

Les Comités d’Entreprises ou à défaut les délégués du personnel sont consultés sur ces contrats.

2.3. Continuum d’insertion[1] :

3. Les types de contrats

Les EA/ESAT œuvrent dans de nombreux secteurs d’activité : restauration, logistique, informatique, production industrielle, … En fonction des besoins de l’organisation ordinaire, celle-ci pourra signer 3 types de contrats :

3.1. Achat de fournitures

Achat de mobilier et matériel de bureau, objets publicitaires, articles de papeterie, produits d’emballage, etc..

3.2. Mise à disposition de personnel

Un ou plusieurs TH interviennent dans l’organisation ordinaire soit ponctuellement, soit régulièrement. Dans la pratique, ce sera :

  • soit un seul TH suffisamment autonome pour cette mission

  • soit une équipe (5-6 TH) encadrée par un responsable de l’EA/ESAT. Avec 2 ou 3 TH, le coût incluant l’encadrement rendrait la prestation trop chère.

Les missions confiées peuvent être variées : tri, conditionnement, manutention, préparation de commandes, …

Un TH peut effectuer des aller-retour entre son EA/ESAT et une organisation ordinaire (où il est mis à disposition) pour des raisons médicales. L’organisation ordinaire peut être source d’un grand stress pour le TH qui ne pourra le supporter que durant une certaine période, d’une durée très variable en fonction du handicap et de l’organisation accueillante. Ces expériences tendent à prouver – s’il en était besoin – l’intérêt des EA/ESAT et que le passage EA/ESAT vers une organisation ordinaire n’est pas si… ordinaire que cela !

3.3. Sous-traitance

Contrats de mission de sous-traitance classique, comme pour les sous-traitants ordinaires, sauf les missions nécessitant des capitaux réservés aux multinationales.

À titre d’exemple, voici les offres de missions de sous-traitance proposées par les 43 EA et ESAT du Maine-et-Loire avec le nombre d’EA/ESAT proposant ce service (source : site Internet de l’AGEFIPH).

En regardant cette liste, de nombreux dirigeants d’organisation ne se sentiront pas encouragés pour commencer une démarche auprès d’une EA ou d’un ESAT en vue d’une collaboration : toutes les organisations n’ont pas nécessairement des besoins exprimés dans cette liste.

Cette liste a tendance à confirmer l’image des EA/ESAT, à savoir leurs offres limitées de missions de sous-traitance : elle ne révèle pas toute la palette des possibles.

Ce n’est donc pas comme cela qu’il faut travailler avec une EA/ESAT : notre méthode du Double-Inventaire permet d'élargir les horizons...

4. Réponse des entreprises à la Loi de 2005

106 000 entreprises privées sont concernées par la loi de 2005. Il y a donc en France 106 000 entreprises privées de plus de 20 salariés. Dans leur réponse à la l’obligation d’emploi, elles se répartissent de la façon suivante :

  • 37 % ont 6 % ou plus de TH

  • 8 % ont signé un accord d’entreprise : cela leur permet durant la durée de l’accord (de 2 à 4 ans) d’investir dans des projets internes toute la contribution financière qu’elles auraient payée si elles n’avaient pas signé cet accord. À l’issue de cet accord, si les objectifs ne sont pas atteints, l’entreprise devra payer rétroactivement la contribution volontaire sur la durée de l’accord… avec des pénalités de retard ! Cette possibilité de signer un accord d’entreprise est donc intéressante pour l’entreprise mais aussi contraignante : il ne suffit pas d’exprimer de la simple bonne volonté mais il faut arriver à des résultats concrets.

  • 28 % ont un taux entre 0 et 6 %

  • 27 % ont un taux à 0 %

Il y a donc 8 + 28 + 27 = 63 % des entreprises qui n’ont pas atteint le taux de 6 %. Il est à noter qu’une entreprise sur 4, n’emploie aucun TH et ne développe aucune sous-traitance avec les EA ou ESAT. On peut affirmer assez facilement qu’un pourcentage d’irréductibles entreprises préféreront verser cette contribution volontaire plutôt que de se lancer dans l’emploi de TH ou la sous-traitance.

En moyenne, une entreprise répond à son obligation de la façon suivante :

  • 60 % en emploi direct de TH

  • 37 % en contribution volontaire

  • et donc seulement 3 % par la sous-traitance… alors que la loi la plafonne à 50 % : il y a donc encore une grande marge de progression !

En 2005, une étude de la DARES[2] révélait que seulement 21 % des entreprises faisaient appel à la sous-traitance. Ce pourcentage monte à 44 % pour les entreprises de plus de 200 salariés mais la part de la sous-traitance arrive laborieusement à 5 % de leur obligation d’emploi TH.

5. Les réponses de DIA Handicap

Nous avons vu dans les deux derniers paragraphes que :

  • les organisations ordinaires collaborent très peu avec les EA/ESAT (en moyenne pour 3 % de leur obligation d’emploi TH et seulement une entreprise privée sur 5)

  • l’offre présentée sur les documents de promotion (site Internet en particulier) est inévitablement réduite et entretient l’idée que l’offre est limitée.

DIA Handicap se propose de répondre à ces deux difficultés. Ainsi :

  • présenter les raisons essentielles qui peuvent motiver les organisations ordinaires à développer la sous-traitance avec les EA/ESAT ("Pourquoi le faire ?"),

  • montrer que, outre l’avantage de répondre en partie à l’obligation d’emploi TH, ces organisations ont tout intérêt à développer des partenariats avec les EA/ESAT grâce à la souplesse offerte qu’elles peuvent difficilement trouver chez un sous-traitant ordinaire,

  • présenter des expériences novatrices de sous-traitance

  • présenter une méthode pour aborder dans les meilleures conditions une collaboration avec une EA/ESAT. : la méthode du Double-Inventaire.

François-Joseph VELLA

[1] AGEFIPH (2008), Atlas national 2008 p8

[2] DARES, Premières synthèses, décembre 2007, n°49-2