Loi Handicap 2005

1. Avant la loi de 1987

La Loi du 10 juillet 1987 et celle du 11 février 2005 – comme on le verra dans le paragraphe suivant – imposent aux organisations (entreprises privées, associations, établissements publics, etc…) de plus de 20 salariés d’employer 6 % de travailleurs handicapés, mutilés de guerre et assimilés.

Peu de gens savent qu’avant cette date, l’obligation concernait les entreprises de plus de 10 salariés et était de… 10 % ! et cette obligation datait de 1924 !!! En effet, au sortir de la Grande Guerre, la France avait un grand nombre de mutilés et de veuves de guerre : cette obligation avait pour but de faciliter leur retour à la vie civile. Mais contrairement aux lois de 1987 et de 2005, il n’y avait aucune obligation de contribution financière pour les entreprises qui ne répondaient pas à cette obligation. Ceci explique vraisemblablement pourquoi la loi était peu respectée.

2. Des mots

2.1. Déficiences , incapacités et désavantages

La notion de handicap introduit les notions de déficiences, d’incapacités et de désavantages. En voici des définitions :

Les déficiences sont définies par l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) comme une perte de substance ou altération d’une structure ou fonction psychologique, physiologique ou anatomique. Elles correspondent à l’aspect lésionnel du handicap. Elles peuvent être temporaires ou permanentes. Les déficiences nécessitent des interventions qui portent sur la personne (rééducation fonctionnelle par exemple). La notion d’invalidité est souvent utilisée pour désigner la déficience.

Les incapacités sont des difficultés ou impossibilités à réaliser des actes élémentaires (se lever, marcher, mémoriser, …) ou complexes (se vêtir, téléphoner,…). Elles peuvent nécessiter des aides techniques. Elles correspondent à l’aspect fonctionnel du handicap. Les incapacités peuvent résulter d’une ou plusieurs déficiences : une déficience motrice des membres inférieurs peut entraîner des incapacités liées à la locomotion (marcher, monter des escaliers, …).

Les désavantages désignent les difficultés ou les impossibilités que rencontre une personne à remplir des rôles sociaux auxquels elle peut aspirer ou que la société attend d’elle : suivre une scolarité, accomplir un travail, communiquer avec les autres, etc.… Ils se situent à l’intersection de l’environnement naturel ou social de la personne, et des caractéristiques propres à l’individu.

Voici un tableau récapitulatif présentant les différents termes :

Ce tableau schématique est une représentation qui a été contestée par certaines associations de personnes handicapées. On verra plus loin que cette approche essentiellement médicale ne sera pas reprise par la loi de 2005 : ce tableau permet néanmoins de mieux comprendre les nouveautés apportées.

2.2. « Handicapé » ?

À l’époque de la Grande Guerre, le mot « handicapé » n’était pas encore aussi développé qu’aujourd’hui. On parlait plutôt d’indigent, d’invalide, voire de mutilé ou d’incurable (les fameuses « gueules cassées »).

En 1975, le vocable « infirme » a disparu des documents officiels pour être remplacé par « handicapé ».

En 1987, le terme « personne handicapée » apparaît.

En 2005, on parlera de « personne en situation de handicap ». On parle aussi de « personne à mobilité réduite » mais cette expression s’applique également à des personnes âgées ou des mamans enceintes ou avec une poussette. Depuis peu, on voit apparaître la formule « personne à besoin spécifique ».

On pressent bien que cette évolution des termes correspond à l’évolution de la place du handicap dans la société. Après avoir rencontré divers acteurs du handicap (personnes handicapées, responsables d’associations de handicapés, ergonomes, chargés de mission handicap en entreprise, consultant « emploi & handicap », …), on peut constater que le choix des termes est sensible. Certaines personnes réagissent vivement si on l’emploie le terme « handicapé » car ce qui était au départ un adjectif est devenu un substantif (« qui précise la substance »). Pour d’autres, cela ne leur pose aucune difficulté d’employer ce terme.

De même pour l’expression « personne en situation de handicap », qui veut signifier que le handicap n’est que l’expression d’une limitation d’activité dans un environnement donné. Par exemple, quand, en tant que père de famille, on participe à une réunion de parents d’élèves dans une classe de maternelle, c’est le père qui est en situation de handicap s'il veut s’asseoir !

Il faut donc faire preuve d’une certaine prudence quant aux termes employés en fonction de la personne à qui on s’adresse. L’expression « personne handicapée » semble recevoir un large consensus.

Dans le domaine professionnel, le sigle TH (pour Travailleurs Handicapé) est très utilisé au même titre que DG ou DRH.

Chez DIA Handicap, nous avons retenu le terme de V.I.P. : Very Important Person (Personne Très Importante)

3. La loi du 11 février 2005

La loi du 11 février 2005 sur l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées apporte des évolutions importantes dans cinq grands domaines :

1. Droit à la compensation : ce droit à compensation couvre les besoins en aide technique, humaine ou animalière, aménagement (logement, véhicule) en fonction du projet de vie de la personne.

2. Accessibilité : obligation de mise en accessibilité des bâtiments et des transports en communs dans un délai maximum de 10 ans. Cette accessibilité est définie comme « un impératif démocratique ».

3. Emploi : réaffirmation de l’obligation d’emploi de 6 % de TH pour le secteur privé et public, avec la contribution volontaire étendue au secteur public et la fondation du FIPHFP (Fonds pour l’Insertion des Personnes Handicapées dans la Fonction Publique, équivalent public de l’AGEFIPH).

4. Scolarité : tout enfant a le droit d’être inscrit en milieu ordinaire dans l’école la plus proche de son domicile, avec les aménagements nécessaires.

5. MDPH (Maison Départementale des Personnes Handicapées) : un guichet unique est créé dans chaque département pour l’accueil, l’information, l’accompagnement et le conseil des personnes handicapées et de leurs proches. C’est en leur sein que la CDAPH (Commission des Droits et de l’Autonomie des Personnes Handicapées) délivre les RQTH (Reconnaissance de la Qualité de Travailleur Handicapé). Le terme COTOREP a disparu.

La loi de 1987 a donc ramené l’obligation d’emploi TH de 10 à 6 %, obligation confirmée par la loi du 11 février 2005. Le calcul prend comme référence l’effectif de l’entreprise et non la masse salariale : le PD-G et l’agent technique comptent chacun pour une unité. Le calcul des 6 % s’adapte aussi aux spécificités de l’entreprise, par exemple en prenant en compte les ECAP (Emploi exigeant des Capacités d’Aptitudes Particulières) : comme certains métiers sont difficilement accessibles à des personnes handicapées, ces postes ne sont pas comptabilisés dans l’effectif d’assujettissement. Par exemple : pompier, ambulancier, ouvrier qualifié en BTP, marin pêcheur, convoyeur de fonds, conducteur d’engins lourds, …

L’esprit de la loi est que chaque entreprise participe, coopère, contribue à la responsabilité sociale nationale de développer l’emploi des TH. En effet, le chômage chez les TH est plus du double de celui des TO (travailleurs ordinaires).

Pour répondre à son obligation d’emploi TH, une entreprise a plusieurs possibilités :

- L’emploi direct de TH

- L’accueil de stagiaires TH de la formation professionnelle dans la limite de l’équivalent de 2 des 6 %

- La sous-traitance auprès des EA et ESAT dans la limite de 3 des 6 %

- Payer une contribution volontaire basée sur le SMIC horaire, suivant le tableau (exemple en prenant le SMIC horaire à 9 € au 1er janvier 2011) :

4. Approche médicale vs Approche sociétale

La loi de 2005 introduit également une définition du handicap :

« Constitue un handicap, au sens de la présente loi, toute limitation d’activité ou restriction de participation de la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un trouble de santé invalidant. »

Cette définition établit le changement d’approche effectué par la loi de 2005 : on passe d’une approche médicale à une approche sociétale : Le problème n’est pas la personne mais la société. Ce n'est plus le handicap de la personne qui est mis en avant mais le fait que la société n'est pas adaptée à cette personne.

5. Réponse des entreprises à la Loi de 2005

106 000 entreprises privées sont concernées par la loi de 2005. Il y a donc en France 106 000 entreprises privées de plus de 20 salariés. Dans leur réponse à la l’obligation d’emploi, elles se répartissent de la façon suivante :

- 37 % ont 6 % ou plus de TH

- 8 % ont signé un accord d’entreprise : cela leur permet durant la durée de l’accord (de 2 à 4 ans) d’investir dans des projets internes toute la contribution financière qu’elles auraient payée si elles n’avaient pas signé cet accord. À l’issue de cet accord, si les objectifs ne sont pas atteints, l’entreprise devra payer rétroactivement la contribution volontaire sur la durée de l’accord… avec des pénalités de retard ! Cette possibilité de signer un accord d’entreprise est donc intéressante pour l’entreprise mais aussi contraignante : il ne suffit pas d’exprimer de la simple bonne volonté mais il faut arriver à des résultats concrets.

- 28 % ont un taux entre 0 et 6 %

- 27 % ont un taux à 0 %

Il y a donc 8 + 28 + 27 = 63 % des entreprises qui n’ont pas atteint le taux de 6 %. Il est à noter qu’une entreprise sur 4, n’emploie aucun TH et ne développe aucune sous-traitance avec les EA ou ESAT. On peut affirmer assez facilement qu’un pourcentage d’irréductibles entreprises préféreront verser cette contribution volontaire plutôt que de se lancer dans l’emploi de TH ou la sous-traitance.

En moyenne, une entreprise répond à son obligation de la façon suivante :

- 60 % en emploi direct de TH

- 37 % en contribution volontaire

- et donc seulement 3 % par la sous-traitance… alors que la loi la plafonne à 50 % : il y a donc encore une grande marge de progression !

En 2005, une étude de la DARES[1] révélait que seulement 21 % des entreprises faisaient appel à la sous-traitance. Ce pourcentage monte à 44 % pour les entreprises de plus de 200 salariés mais la part de la sous-traitance arrive laborieusement à 5 % de leur obligation d’emploi TH.

[1] DARES, Premières synthèses, décembre 2007, n°49-2